Ciment ou chaîne dorée ?
L’engagement relationnel ! Ce mot qui fait battre les cœurs ou fuir à toutes jambes selon l’instant, l’expérience ou l’humeur du jour. Est-ce une douce promesse qui nous lie ou un boulet qu’on traîne ? Un élan du cœur ou un contrat implicite ? Dans une époque où l’on peut « matcher » en un clin d’œil et « ghoster » tout aussi vite, la notion d’engagement mérite qu’on s’y attarde avec tendresse, lucidité… et une pointe de malice.
L’engagement, ce mal-aimé romantique
Dans notre imaginaire collectif, l’engagement est souvent teinté d’un halo solennel, voire un brin dramatique : bague, serment, exclusivité, loyauté inconditionnelle, et si possible pour l’éternité. Pourtant, réduire l’engagement à la fidélité stricte ou à une forme de prison dorée, c’est passer à côté de sa vraie richesse.
S’engager, c’est avant tout choisir de faire route avec l’autre. Ce n’est pas une cage mais un cap. Ce n’est pas figé, c’est vivant. Et c’est justement parce qu’on peut se désengager qu’un engagement a de la valeur. C’est cette liberté de rester qui lui donne toute sa beauté.
L’engagement, un tuteur de croissance
On pourrait croire que l’engagement bride la spontanéité, l’aventure ou le plaisir. En réalité, il est souvent le socle qui permet au couple de s’épanouir. Parce qu’il crée un espace de sécurité, l’engagement ouvre la voie à l’intimité, à la vulnérabilité, à l’exploration de soi et de l’autre.
Imaginez une plante grimpante : sans tuteur, elle s’effondre ou pousse de travers. L’engagement, c’est ce tuteur. Il ne dit pas comment la plante doit grandir, mais il lui offre un soutien pour s’élever. Et lorsqu’on s’appuie sur ce soutien commun, on peut traverser les tempêtes sans que tout s’effondre à la première bourrasque.
Les ingrédients subtils de l’engagement
L’engagement ne se résume pas à « rester ensemble ». Il se décline en plusieurs dimensions :
- L’intention : je choisis consciemment de m’investir dans cette relation.
- La constance : je persévère, même quand c’est moins grisant.
- La responsabilité : je reconnais ma part dans ce qui se joue entre nous.
- La loyauté : je suis fidèle à la relation, pas seulement à la personne.
- L’ajustement : je reste engagé, même si la forme du lien évolue.
Car oui, l’engagement sain n’est pas rigide. Il s’adapte aux saisons de la vie, aux changements de rythme, aux métamorphoses de chacun. Il ne dit pas « tu ne changeras jamais » mais « je choisis de continuer à te découvrir ».
Ce que l’engagement n’est pas (heureusement !)
Il est crucial de déboulonner quelques clichés. L’engagement n’est pas :
- un contrat à durée indéterminée irrévocable ;
- une promesse de bonheur constant ;
- une preuve d’amour plus forte que les actes quotidiens ;
- une obligation morale de rester dans une relation insatisfaisante.
S’engager, ce n’est pas s’enfermer dans une histoire coûte que coûte, mais cultiver un lien avec soin et intention, tant qu’il nourrit la vie.
Pourquoi avons-nous peur de nous engager ?
Nombreux sont ceux qui esquivent l’engagement, non par légèreté, mais par protection. Peur d’être trahi, peur de se perdre, peur de l’ennui, peur de l’irréversibilité. Ce sont des peurs légitimes, souvent issues de blessures passées, d’un manque de modèles inspirants ou d’une méconnaissance de ce qu’est un engagement équilibré.
Paradoxalement, c’est souvent l’absence d’engagement qui crée de l’insécurité : on ne sait plus sur quoi on peut compter, on se méfie, on sur-interprète. À l’inverse, un engagement clair, même souple, rassure et apaise. Il permet de baisser la garde, de faire confiance, d’oser être soi.
L’engagement à l’ère du zapping affectif
Dans une société de l’instantané, où tout se remplace en un clic, persévérer dans une relation semble presque subversif. Il faut le dire : la fidélité, l’effort, la patience sont devenus des trésors rares.
Pourtant, derrière le zapping affectif se cache une soif profonde : celle d’un lien durable, authentique, profond. L’engagement est une réponse à ce besoin. Il ne garantit pas l’absence de doute, mais il offre un ancrage. Il ne supprime pas les tensions, mais il invite à les traverser ensemble, au lieu de fuir.
S’engager, c’est aimer en conscience
Loin d’un élan flou et éperdu, l’engagement amoureux est un acte lucide. Il dit : « Je te choisis avec tes forces et tes failles. Je sais que le chemin sera parfois cahoteux. Et je suis prêt à marcher à tes côtés. »
C’est un amour adulte, qui ne nie pas les conflits mais les embrasse comme des opportunités de croissance. Qui n’idéalise pas l’autre mais apprend à l’aimer vraiment. Qui ne cherche pas la perfection, mais la sincérité.
Fidélité et engagement : un tandem indissociable ?
La fidélité est souvent perçue comme l’indicateur suprême de l’engagement. Mais elle en est plutôt une des nombreuses expressions. On peut être fidèle sans être engagé (par peur ou par habitude), et engagé tout en redéfinissant ensemble les termes de la fidélité.
Chaque couple invente sa propre grammaire. Ce qui compte, ce n’est pas de se conformer à un modèle, mais de s’accorder sur ce qui fait sens à deux. La fidélité devient alors un langage, non une prison.
Quand l’engagement vacille
Il arrive que l’un s’essouffle, doute ou veuille décrocher. Ce n’est pas un échec, c’est un signal. L’engagement ne se décrète pas une fois pour toutes. Il se ravive, s’interroge, se renouvelle. Parfois, il faut réajuster les attentes, changer de rythme, voire de cap. Mais le dialogue reste la clé : rien de pire qu’un engagement silencieux, figé dans le non-dit.
Et si on faisait de l’engagement un jeu d’équilibristes ?
Et si on arrêtait de voir l’engagement comme un poids, pour le vivre comme un jeu subtil d’équilibres ? Un espace où l’on cultive l’altérité sans s’oublier. Où l’on tient la main de l’autre sans se fondre en lui. Où l’on construit ensemble sans renoncer à sa singularité.
Cela demande de la conscience, du courage, de la créativité. Mais c’est précisément ce qui rend la relation vivante, riche, vibrante.
Petits rituels pour nourrir l’engagement au quotidien
- Se redire son « oui » régulièrement, dans les gestes comme dans les mots.
- Faire des bilans de relation : qu’est-ce qui va bien ? qu’est-ce qui mérite d’être ajusté ?
- Honorer les engagements passés : une promesse faite, même petite, nourrit la confiance.
- Oser les conversations vraies, même inconfortables.
- Célébrer les étapes franchies, les conflits surmontés, les projets construits.
L’engagement se nourrit moins de grands serments que de micro-actions répétées avec constance.
En conclusion : s’engager, c’est aimer avec les deux pieds
S’engager, ce n’est pas aimer moins fort, c’est aimer mieux. Avec les pieds ancrés et le cœur grand ouvert. C’est choisir de ne pas partir à chaque secousse, mais de bâtir un refuge commun, jour après jour.
Oui, c’est un risque. Oui, cela demande de l’audace. Mais c’est aussi ce qui donne du sens, de la profondeur, de la beauté à nos relations. Et si le lien ne tient pas éternellement, l’engagement, lui, laisse des traces précieuses : il nous transforme, nous élève, nous relie.
Sources :
- Psychologies – « Pourquoi s’engager fait peur ? » – https://www.psychologies.com/Couple/Vie-de-couple/Engagement/Articles-et-Dossiers/Pourquoi-s-engager-fait-peur
- CNRS Le Journal – « L’engagement amoureux au prisme de la psychologie » – https://lejournal.cnrs.fr/articles/lengagement-amoureux-au-prisme-de-la-psychologie
- Le Monde – « Les fondements de la fidélité dans le couple » – https://www.lemonde.fr/blog/psy/2016/10/15/les-fondements-de-la-fidelite/
- La Conversation – « Pourquoi certains couples durent plus longtemps ? » – https://theconversation.com/pourquoi-certains-couples-durent-plus-longtemps-165526
- Sciences Humaines – « L’engagement amoureux : entre raison et passion » – https://www.scienceshumaines.com/lengagement-amoureux_fr_28844.html
